Se situant dans le droit fil d’une biologie théorique, Thierry Lodé élabore une pensée critique de la vision totalisante de la sociobiologie, de l’écologie comportementale et du néodarwinisme actuel.
La sexualité ne peut se réduire à la reproduction. Apparue précocement dans l’évolution, la sexualité serait une réplique des organismes à la présence de pathogènes. En facilitant l’évolution du système immunitaire, la sexualité se constituerait secondairement comme une entreprise de diversité. La nature ne retient pas d’autres normes que la diversité des conduites sexuelles.
Le baiser Thierry Lodé affirme que le french kiss a une autre fonction: celle de l’échange de salive, qui permet aux partenaires d’explorer le système immunitaire de l’autre et d’écarter les personnes qui ont une trop grande parenté génétique. Car, dans la logique de l’évolution, le partenaire idéal est celui qui apporte la diversité, garante de la santé de la progéniture. Son identification déclenche la suite du processus: le consentement amoureux, le désir (Cité par A Lietti dans le journal LE TEMPS [1]. A l’origine, cette exploration par la salive de l’intimité de l’autre apporte une détection de cette diversité du système immunitaire. Car le sexe est né de la lutte contre les pathogènes qui eux savent muter sans cesse. En diversifiant l’immunité de la progéniture, la sexualité répond aux pathogènes. Alors, par emballement, cela crée le désir. Nullement la progéniture, le désir….car cette exploration des salives permet d’être amoureux, quelque soit le sexe de l’autre.
La guerre des sexes apparait comme essentielle aux êtres vivants. La sexualité en partageant le vivant en deux entités entraîne un conflit sexuel évolutif, où chaque sexe contredit l’autre et fait de la résistance selon une stratégie de tir à la corde. A noter que Thierry Lodé prend ce terme sous une acceptation plutôt très large, incluant le conflit générationnel et peut être même la concurrence entre les espèces, se situant ainsi dans la lignée des théories de la coévolution insistant sur le rôle des interactions antagonistes. Il inclut une théorie de « l’amour libre. »
La spéciation sympatrique ou formation d’espèces sans rupture géographique au flux génétique, serait plus courante que ce que l’on pense. Un gradient de l’évolution qui irait de la sympatrie jusqu’à une allopatrie parfaite (séparation géographique), conduirait à l’apparition des espèces nouvelles. Ainsi, à partir de déplacements de caractères « la spécialisation phénotypique précède la différenciation spécifique ».
La séduction et la beauté, découlerait directement des bases biologiques du désir. Décrivant les caractéristiques extravagantes des animaux ou caractères hyperthéliques (la queue du paon) comme des stimulus supranormaux, Thierry Lodé en déduit que la fascination qu’ils provoquent proviendrait de traits biologiques anciens, produit d’une tendance évolutive à l’exagération. Un autre aspect de la beauté, définie à partir de caractères biologiques met en oeuvre, selon Thierry Lodé, le système immunitaire des partenaires sexuels, c’est l’attirance pour les traits symétriques. En effet, la symétrie bilatérale fondamentale du corps est altérée par des accidents de croissance souvent dus à des maladies, ce qui révèle l’affaiblissement du système immunitaire. En choisissant des partenaires sexuels aux traits symétriques, l’animal sélectionne un partenaire disposant d’un système immunitaire transmissible à sa progéniture et indemne de maladies. Les fluctuations asymétriques mettent en évidence l’état de santé et les faiblesses génétiques des partenaires.
La génétique: Thierry Lodé reproche aux théories de la sociobiologie (les théories du bon choix) de privilégier une approche fondée sur le tout génétique. Il n’y a pas de « bons gènes » non plus que tendance évolutive à chercher la meilleure reproduction. De nombreuses espèces ne ferait que de l’esbrouffe, du bluffe, ce que l’auteur nomme la « propagande de guerre ».
Le créationnisme essaye d’imposer un point de vue rétrograde, à travers l’hypothèse de l’ « intelligent design ». Pour Thierry Lodé, il s’agit d’un retour aux spéculations sectaires présupposant une direction au processus biologique.
La vie sociale: Refusant la théorie génétique de la parentèle, Thierry Lodé propose le conflit sexuel comme fondement du regroupement des individus.
L’homosexualité serait naturelle, directement issue de la séduction, et n’aurait pas de bases génétiques, mais ferait simplement partie des orientations possibles. Il ne s’agit donc pas d’une théorie de la bisexualité fondamentale comme chez les Freudiens, mais plutôt d’une théorie de la séduction.
La monogamie serait issue de la tendance des mâles à garder les femelles. La contrainte exercée par les conditions de l’environnement et entraînant une « destruction mutuelle assurée » favoriserait le maintien de la stratégie monogame dans l’évolution.
La biodiversité amoureuse: Le fondement du vivant, c’est que l’attrait amoureux construit de la biodiversité et que la diversité à son tour engendre de la diversité.
VOIR AUSSI LA LENTEUR DE L’ORNITHORHYNQUE chez versailles Eds
Publications
- La guerre des sexes chez les animaux, une histoire naturelle de la sexualité, éditions Odile Jacob (http://www.odilejacob.fr/), 2006 ISBN 2-7381-1901-8
- Les stratégies de reproduction des animaux, Éditions Dunod Masson Sciences, 2001
- Génétique des populations, Editions Ellipses, 1998
Notes et références
- ↑ Thierry Lodé et collaborateurs, 2004 Sex-biased pedation by polecats influences the mating system of frogs Proc Roy Soc 271 (S6):S399-S401
- ↑ Thierry Lodé « le droit d’être abolitionnistes » l’Endehors, Fév. 2008
- ↑articles de Thierry Lodé dans l’Endehors
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